Tor des Géants : course ou épreuve (Part 4) ?

Publié le par Grégoire CHEVIGNARD

Et après ?

Après avoir passé la ligne d'arrivée, pas d'émotion particulière tant nous avons eu le temps de nous faire à l'idée que nous parviendrions à rejoindre Courmayeur dans les temps. Et d'autant moins d'émotion qu'après la ligne d'arrivée, il ne se passe rien ... Quelques spectateurs, quelques camarades coureurs, pas de remise de médaille, pas de buffet digne de ce nom (il nous a fallu contourner un mur d'image pour trouver une salle obscure et vide au milieu de la quelle une table avec quelques boissons trône, seule).

Nous retrouvons Thierry et nous installons sur une terrasse qui surplombe la ligne d'arrivée pour un combo pizza et bière qui arrive à point nommé (il est 14 h) et qui représente une année de consommation du gluten pour Thierry. Nous encourageons les quelques coureurs qui arrivent encore, dont le géant chinois chasseur de pommes de pin (qui ne se souvient manifestement pas de nous), Mattéo (qui semble avoir conservé quelques souvenirs de notre soirée hallucinations) et d'autres stars du Tor dont un asiatique qui court avec un sac à dos de la dimension d'une armoire normande : par respect pour la montagne, dit il, il veut tout porter avec lui même.

Il fait froid, nous engloutissons le tout à la hâte et nous traînons lamentablement au milieu de Courmayeur, pour la plus grande joie des touristes attablés au chaud, amusés par notre dégaine et notre démarche, pour tenter de rejoindre le palais des sports, à 1,5 km de l'arrivée, pour récupérer notre sac base de vie. Heureusement, l'hotel où le véhicule de Thierry est garé est à proximité de la ligne d'arrivée et nous pouvons profiter de ses roues pour arriver à destination.

Les adieux sont brefs ; nous sommes tous crevés. Nous savons que nous nous retrouverons le lendemain à la cérémonie de cloture de la course, à l'exception de Jean Sébastien qui, après une douche, reprendra la route pour tenter d'arriver dans le Sud Ouest de la France à un repas de baptême où il est parrain. Je n'arrive même pas à concevoir comment il va faire pour ne pas s'endormir au volant ...

Me voici donc reparti en direction de mon logement, à deux kilomètres de là, chargé de mes deux sacs. C'est long. Presqu'autant que les deux étages qui mènent à ma chambre.

 

J'arrive dans la chambre comme je l'ai quittée, en prenant un selfie pour tenter de mesurer l'ampleur des dégâts de la course.

Mon premier objectif est de prendre une longue douche. Pour ce faire, je commence par retirer mes chaussures qui n'auront pas résisté à l'épreuve et partent directement à la poubelle après m'avoir fidèlement servi du Marathon des Sables 2015 au Tor des Géants 2016. Ma paire de chaussures de secours, qui m'a non moins fidèlement servie depuis mon premier trail (The Trail à Sens, en version 63 km) en Mai 2014, a subi le même sort et les rejoint au même endroit.

 

Voilà pour les uniques dégâts matériels.

Vient le moment de retirer le pantalon de randonnée que je porte depuis deux jours et qui me compresse les jambes, comme s'il avait rétréci à l'humidité. Au prix de nombreuses contorsions je parviens à m'en défaire et constate que ce n'est pas le pantalon qui a rétréci mais plutôt mon corps qui a commencé à se mettre en mode anti inflammatoire depuis notre pause nocturne à Saint Rhémy en Bosses. Mes jambes ont fait tellement de rétention d'eau pour protéger mes tendons de l'inflammation qu'il est impossible de passer ne serait ce qu'un fil dentaire entre mes orteils boudinés comme des saucisses apéritif et que mes jambes, de mes pieds à mi cuisse, ne sont plus qu'un long cylindre. Jambes droites, on ne distingue plus chevilles et genoux.

En revanche, ce qu'on distingue parfaitement, sur l'extérieur de chacun des deux pieds, c'est une superbe ampoule qui s'étend sur tout le côté du pied, du talon à la racine du petit orteil. Par chance, elles n'ont pas éclaté pendant la course, ce qui m'a évité l'inconfort de courir avec les chairs à vif. Je prends la sage décision de ne m'en occuper qu'après la douche, non pas parce que ce qui me reste de lucidité me permet d'analyser que les flots d'eau savonneuse me feraient chanter après les avoir percées, mais parce que je suis totalement incapable de suffisament de souplesse pour les atteindre avec épingles et ciseaux.

Après une longue douche, je revêts le plus chaud de mes sweat shirts et me glisse sous la couette après avoir monté le chauffage à fond -non pas qu'il fasse froid mais je grelotte, probablement à bout de calories à dépenser pour me réchauffer- avec la ferme intention de dormir jusqu'au lendemain matin. Je pense même à brancher mon réveil pour ne pas être en retard à la cérémonie de cloture de la course. J'éteins la lumière et m'endors en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire.

Une heure trente plus tard, je me réveille en sursaut, désorienté, inquiet. Je m'assieds au bord de mon lit, cherche des yeux chaussettes, chaussures et sac à dos pour repartir. Avant de m'apercevoir que ce n'est plus utile et que je peux me recoucher. Sauf qu'il n'y a pas que mon cycle de sommeil qui soit déréglé mais aussi mon cycle alimentaire. Voilà une semaine que je me nourris d'un repas complet, ou presque, toutes les trois heures environ, à chaque ravitaillement. La faim me tenaille l'estomac. Je melève donc pour rejoindre le centre de Courmayeur -1,5 km- et trouver un restaurant. Bien entendu, impossible d'enfiler quelque chaussure que ce soit ; seule solution, une paire de tongs offerte par l'UT4M un mois plus tôt et qui a pour double avantage de pouvoir contenir mes pieds et ne pas frotter sur mes ampoules pas encore traitées mais aussi comme double inconvénient d'être ouvertes -et il fait froid à la nuit tombée en montagne- et de supposer que mon gros orteil accepte de s'écarter suffisamment des autres pour pouvoir être enfilées.

Restaurant, retour dodo, et, de nouveau, réveil en sursaut après deux heures de sommeil. Une tasse de thé et quelques biscuits plus tard ... le sommeil ne reviendra pas avant l'aube pour, de nouveau, un peu moins de deux heures.

Il me faudra trois jours pour pouvoir de nouveau chausser des chaussures à ma taille habituelle et une semaine pleine pour pouvoir de nouveau dormir au moins six heures d'une traite et me contenter de quatre repas par jour.

En revanche, aucun soucis pour trottiner. C'est même devenu, par réflexe, mon mode de déplacement par défaut dès que les trottoirs sont plats et dégagés de la foule.

 

Ce n'est qu'un au revoir (?)

La course s'achève samedi à 17 heures pour les derniers coureurs, la cérémonie de cloture a lieu le dimanche matin. J'ai une pensée émue pour les premiers qui ont du arriver mercredi et traînent donc à Courmayeur depuis.

Le palais des sports est plein à craquer de coureurs, finishers ou non, de leur familles et amis, de bénévoles, d'habitants de Courmayeur. Tous, sans exception, lorgnent vers le somptueux buffet qui fait honneur aux délicieux et généreux ravitaillements rencontrés pendant toute la course. Car au delà des ravitaillements officiels, certains particuliers, sur leur temps et deniers, assurent des ravitaillements "sauvages" pour les coureurs qui passent devant chez eux, au grand dam de l'organisation qui craint que l'égalité entre coureurs soit remise en cause par le fait que ces ravitaillements ne restent pas ouverts 24/24 pendant tout le temps de la course.

J'ai plaisir à retrouver Dimitri, finisher pour la deuxième fois, avec qui j'avais couru en début de course. A dire vrai, je suis choqué par son apparence physique : au moment où je le salue, il a la tremblotte, le visage creusé et me semble beaucoup plus maigre qu'il y a quelques jours. Je regarde autour de moi, et m'aperçois que l'on reconnaît facilement les coureurs qui ne sont arrivés que samedi : tous n'ont l'air que l'ombre d'eux mêmes ; une ombre rayonnante de fierté et/ou soulagement, certes, mais une ombre néanmoins.

Après les podiums qui honorent les différents vainqueurs et héros (dont les sénateurs), chaque coureur est appelé sur l'estrade. Pour s'y rendre, il fend la foule sur toute la longueur du palais des sports, foule qui le salue comme s'il avait gagné une étape du Tour de France. Brochette d'accolades sur le podium puis passage dans une arrière salle pour remise du sweat shirt finisher puis retour sur l'estrade pour une photo collective des finishers et organisateurs. L'ambiance est incroyable et, à dire vrai, j'ai un peu l'impression d'usurper ma place ; je ne suis guère qu'un coureur du dimanche qui a eu de la chance de faire les bonnes rencontres au bon moment ce qui m'a permis d'arriver à l'arrache ; je ne mérite certainement pas les ovations qui nous saluent. La photo finale terminée, je suis encore plus gêné quand une femme me demande un autographe sur un beau livre Tor des Géants dont je sais qu'il est très difficile à trouver car plus édité depuis plusieurs années ; elle n'en démord pas car elle veut récolter la signature de tous les finishers. Elle est aux anges quand Thierry dédicace la page où il figure en photo.

Cérémonie et buffet achevés, retour Chamonix puis Paris pour tenter de reprendre une vie normale.

Alors, heureux ?

Comme souvent, après un ultra, on en termine en se promettant de ne pas recommencer. Le Tor ne fait pas exception à cette règle. A cette habituelle réaction s'ajoute la conviction que ce n'est qu'au terme d'une succession de coups de chance (météo très clémente pendant les deux premiers tiers de la course, appairage avec l'expérience d'un sénateur, absence de pépins physiques) que j'ai pu terminer la course-qui plus est en bonne santé-  et qu'une deuxième tentative pourrait ne pas connaître une fin aussi heureuse.

Un mois après le début de la course, j'aurais été prêt à jurer qu'on ne me reprendrais plus à m'inscrire au Tor des Géants. Deux mois après le début de la course, au terme de la rédaction de ce long compte rendu, je ne serais pas aussi catégorique ...

L'après, c'est aussi la poursuite d'une pratique a minima de la course à pied pour maintenir la continuité de la série #UnJourUnKm que j'avais initiée au début de mon entraînement pour le Tor des Géants. Mais l'envie n'y est pas et il me faudra près de trois semaines pour retrouver le plaisir de chausser mes running.

L'après, c'est aussi une virée Au Vieux Campeur pour une nouvelle paire de chaussures de trail : l'échéance Diagonale des Fous, un mois après l'arrivée du Tor, approche. Je suis stupéfait de constater que cette enseigne, pas franchement estampillée course à pied, a probablement le rayon de chaussures de trail le plus fourni de toute la région parisienne et des marques que je croyais ne pouvoir acquérir que sur internet sont disponibles. Bien entendu, après avoir exploré toutes ces nouveautés, je reprends la même marque et le même modèle qu'avant ...

L'après, c'est donc la Diagonale des Fous que j'abandonnerai après un petit tiers de course. Système digestif en vrac et l'envie n'est pas véritablement présente. Je m'étais inscrit par défaut -car je n'avais pas été tiré au sort pour marathon de Londres, UTMB et Tor des Géants- afin de me donner au moins un objectif annuel avant, par la grâce du recours aux listes d'attente, de pouvoir participer au Tor des Géants. Pas totalement motivé, je ne me fais donc pas trop violence avant de rendre mon dossard ... et de le regretter.

L'après, c'est aussi l'interrogation sur "what's next ?".

Première année de running, marathon.

Deuxième année de running, Marathon des Sables.

Troisième année de running, Tor des Géants.

Pour la quatrième année, j'ai bien entendu pensé à l'UTMB mais je crains de ne pas parvenir à me motiver pour la préparation (indépendamment du fait qu'il faudrait être tiré au sort) car la course ne fait que la moitié du Tor des Géants. Je me suis aussi essayé -en grand débutant- au triathlon et ai suffisament considéré l'idée de faire un Ironman (3,8 km de natation, 180 km de vélo, 42,2 km à pied) pour me renseigner sur les conditions d'inscription à un club mais je m'y suis pris trop tard ... et je n'ai plus de vélo depuis que je me suis fait voler le mien. A court d'idées, je suis tourné vers internet et youtube pour tenter de trouver un objectif qui, comme pour les précédents, m'est aujourd'hui inaccessible mais néanmoins pas absolument et irrémédiablement hors de portée. Un embryon d'idée m'est venue, mais j'ai hésité.  Puis j'ai lu. L'idée s'est installée. Mais elle est franchement déraisonnable : à ce jour, je n'ai même pas le niveau pour me qualifier au tirage au sort qui permet d'éventuellement participer à la course.

Bref, pour la quatrième année, je souhaiterais participer au Sparthatlon.

246 km en 36 heures maximum, d'Athènes à Sparte.

Et pour se qualifier, plusieurs moyens. Courir plus de 180km en 24 heures et être tiré au sort ou courir plus de 216km en 24 heures pour être directement qualifié.

Or, sur 24 heures, mon compteur est bloqué à un peu plus de 100 miles ; il va falloir progresser vite et fort.

Prochain rendez-vous, le 2-3 décembre 2016 pour tenter de parcourir plus de 180 km en 24 heures au profit du Téléthon. Et ainsi avoir une chance d'être tiré au sort pour le sparthatlon 2017.

A suivre ...

Publié dans Course

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I
J'ai l'impression de suivre cette course avec vous!<br /> Merci pour ces articles. Précis et amusants. Idéal pour un post de blog!
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4
Bonjour Ingrid. Merci d'avoir tenu jusqu'au bout de la course & pour ce commentaire. Bons runs et bonne semaine.